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    Image 1 : Dos de la pochette du jeu Pocket Gal avec images et descriptifs
    Image 1 : L'idée de cette article m'est apparue suite à l'arpentage de la page Internet Arcade — Nouvelle fenêtre, une collection présentant des jeux d'arcade anthologiques sur l'Internet Arcade. La proportion de jeux recourant à la nudité féminine m'a semblé suffisamment importante, parmi quantité de catégories du jeu vidéo, pour être relevée. Dans la catégorie des strip games (pocker, billard et j'en passe), j'ai vu passer le jeu Pocket Gal (Data East Corporation, 1987). Le jeu associe la victoire d'une partie de billard à l'effeuillage d'une jeune femme, ce qui est censé stimuler le joueur, on est donc sur un strip billard.
    Image 2 : Pocket Gal : écran d'accueil du jeu
    Image 2 : La pochette du jeu se veut pudique, bien que suggestive, mais dès l'écran d'accueil du jeu, on voit une bunny girl se déconfire à mesure qu'elle se dénude. Elle apparaît en fin de compte presque honteuse.
    Image 3 : Pocket Gal : personnages féminins et étapes de déshabillage
    Image 3 : Sur une capture présentant les (différents) personnages féminins (qui semblent produits en série), correspondant chacun à l'un des niveaux du jeu, on peut observer les différentes phases du déshabillage : les bijoux, ceintures et autres apparâts, puis les dessous, puis la nudité (partielle, on garde le bas quand même !), puis le clin d'œil invitant…
    Image 4 : Visuel du jeu Excelsior avec images et descriptifs
    Image 4 : Beaucoup de jeux ont fait du strip une finalité, il n'est plus question simplement d'apporter au juicy du jeu, mais d'en devenir le concept. On dit d'un game design qu'il est juicy dès lors qu'il prévoit un certain nombre de récompenses visuelles et/ou sonores, gratifiantes pour les joueureuses. Ci-dessus, Excelsior (Playmark, 1995) : un jeu où il faut défoncer une façade à la tronçonneuse, à la disqueuse, ou au marteau-piqueur, pour découvrir un corps (de femme, ou d'homme cette fois) sculptural.
    Image 5 : Visuel du jeu Multi Champ Deluxe avec images et descriptifs
    Image 5 : Ici, Multi Champ Deluxe (ESD, 1998). Des mini-jeux, toujours calqués sur le même principe : gagner dans le but de révéler une silhouette féminine dans une posture lascive.
    Image 6 : Visuel des jeux Miss World 96 et Miss Mister World 96
    Image 6 : Et enfin, dans la série retro gaming, il y a Miss World '96 (Comad, 1996). Le jeu réemploie les mêmes recettes que dans ses prédécesseurs, à savoir, résoudre une énigme pour faire apparaître une image érotique (issue de l'imagerie porno occidentale bien entendu), à la différence que les figures féminines empreintent l'effigie des Miss Mondes de l'époque. Ci-contre la version originale à gauche, une version remasterisée, supposée proposer des avatars masculins. À en juger l'intégration grossière des corps bodybuildés des mannequins hommes, le traitement qui leur est réservé ne pourra être que caricatural, fait à la hâte. J'avais trouvé un article Miss World 96 Arcade sur Game Cola — Nouvelle fenêtre à ce sujet.
    Image 7 : Miss World 96 et Miss Mister World 96 : écrans de choix du personnage
    Image 7 : L'écran de choix des personnages confirme cette suposition, à droite, on invite toujours les joueureuses à « Choisir leur fille préférée »
    Image 8 : Miss World 96 et Miss Mister World 96 : mini-jeux en cours et image de fond semi-apparente
    Image 8 : Les deux écrans partagent ici une certaine pauvreté esthétique, le même sort à été réservé à leurs graphismes : toute l'énergie a été placée dans le réalisme des corps, au détriment des jeux de premier plans, souvent assez laids, naïfs, et on ne peut, d'ici, pas juger de leur pertinence…
    Image 9 : Capture d'une partie d'Adorable Crush
    Image 9 : Qu'en est-il aujourd'hui ? En 2020 paraît Adorable Crush chez Mature Games. L'enjeu n'y ait pas tant de dévêtir une jeune personne mais plutôt d'entretenir une relation (sociale et romantique) avec elle, avec une créature irréelle (de par son caractère virtuel et de par le surréalisme de ses mensurations, la relation est d'ailleurs tout aussi virtuelle que le personnage courtisé mais on peut dire qu'elle est possible).
    Image 10 : Personnage d'Adorable Crush assis au sol
    Image 10 : C'est un Candy Crush Saga like, couplé à un dating sim (une simulation de rencontres). Gagner des points équivaut à gagner de l'affection. Cela passe par de petites phrases réconfortantes, aguicheuses, des mots doux flatteurs, mais aussi des cajôleries et des courbettes (des politesses et des poses, implorantes). Pour couronner le tout, la gravité joue en la faveur de votre œil voyeur : la poitrine des personnages pulse au rythme de leur respiration, leur galbe se met en mouvement pour pouvoir parfaitement être apprécié, jugez-en par vous même sur ce gif d'un personnage du jeu Adorable Crush — Nouvelle fenêtre.
    Le voyeurisme pourrait être un autre vrai sujet, tant il est représentatif de la domination masculine occidentale. Tout voir, tout contrôler, contrôler la constance des corps et les dominer. Dominer aussi l'idée que l'on a des corps, corps forcément minces, musclés et dont la peau est forcément blanche.
    Image 11 : Personnages du jeu Coming out on top alignés
    Image 11 : Parmi l'océan des jeux blockbuster, il est certain que je n'ai pas assez cherché pour trouver des jeux à vocation érotique adressés à un public LGBTQI+, où mettant en scène (davantage voire exclusivement) des personnes racisées, ou incluant des protagonnistes ayant un handicap, ou des âges dépassant la juvénilité... Mais la première couche c'est ça... Et c'est assez constant dans le temps. Les scénarios sont toujours les mêmes, et ils sont tous du même ennui. En grattant un peu, je suis tombé sur Coming Out on Top (Obscurasoft, 2014). Le jeu vous fait incarner un jeune homme qui s'avoue progressivement son homosexualité, et la narration vous laisse la possibilité de vous éprandre de différents profils. Certains vous rendront malheureux et joueront avec vos sentiments, certains vous apporteront une stabilité matérielle et affective, mais la routine vous guette, etc. Si cette nouvelle graphique laisse plus de place pour donner de l'épaisseur à ces personnages, ils restent tous asujettis à une normalisation du corps, athlétique par défaut, et on peut regretter (encore) la sur-représentation blanche. Un article traite de la déception qu'a suscité le jeu auprès des communautés gays et noires : Critical Distance: Are queer and black voices being excluded from games? — Nouvelle fenêtre.
    Image 12 : Coming out on top : scène de baiser
    Image 12 : Je suis donc preneuse, pour toute trouvaille misant par exemple sur une fiction lesbienne, un casting exclusivement trans, ou une déconstruction du couple (pensée en tant que « structure à deux » ou remettant en cause sa necessité d'ailleurs) !
    Image 13 : Scène du jeu At your feet où la cliente d'une pédicure se fait lécher le pied par une practicienne
    Image 13 : EDIT : Depuis la création de cet article, j'ai trouvé sur la plateforme mainstream qu'est Steam une catégorisation Season of Pride 2021 — Nouvelle fenêtre, depuis laquelle trouver des jeux mettant en scène des personnages queers. À la volée j'y ai notamment vu Arcade Spirits — Nouvelle fenêtre par Fiction Factory Games, un dating sim LGBTQI+ dans le contexte d'une Uchronie (une projection dans un futur où le bug de l'an 2000 et le déclin du jeu d'arcade n'auraient pas eu lieu) et At your feet — Nouvelle fenêtre par le studio WinterWolves, un dating sim lesbien (précisément un lesbian foot fetish comedy dating sim) où vous incarnez Emma, l'employée d'un salon de pédicure qui tient pour secret non pas son orientation sexuelle et romantique mais son fétichisme des pieds.
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    Image 1 : Îcones de lecteurices (reading female user et reading male user)
    Image 1 : Capture de la page Reading Icons sur Wikimedia commons — Nouvelle fenêtre. La femme racisée ne semble pas comprendre ce qu'elle lit alors que l'homme blanc paraît se délecter de sa lecture. Il est scandaleux que ce type de représentation persiste, la création de ces icônes par un certain Dan1gia2 datent de 2015, ce qui porte à croire qu'elles sont toujours utilisées, en circulation. Je n'ai pour l'instant répertorié que deux pages Wikipédia qui exploitent ces sources (voir descriptif complet de chacune des icônes), mais c'est à vérifier.
    • Cyberféminismes
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    Image 1 : Paysage avec incrustation d'une personne maniant un gong
    Image 1 : Tabita Rezaire, Premium Connect sur YouTube — Nouvelle fenêtre (2017), vidéo, 13 min 04.
    Image 2 : Personne qui utilise un mobile et vue de la conversation qui comporte des mèmes
    Image 3 : Incrustation de personnes dans un arrière-plan où gravitent des roches et un pouce Facebook géant
    Image 4 : Incrustation d'une vidéo de louanges dans un fond d'écran de galaxie

    Lors d'une récente intervention au théâtre Le Maillon à Strasbourg autour de l'histoire de la donnée (article de blog sur l'intervention sur la data au Maillon), j'ai brièvement présenté la pièce vidéo Premium Connect de l'artiste Tabita Rézaire — Nouvelle fenêtre. Je souhaitais donner l'exemple d'une œuvre qui entre en résistance avec l'hégémonie blanche, ici dans l'informatique, à travers la désoccidentalisation des données. L'intention y est assez explicite. Cette référence survenait lorsque la discussion s'engageait dans les enjeux de l'intelligence artificielle, dont le fonctionnement est bien entendu totalement emprunt du racisme systémique qui, par définition, sévit dans les moindres embranchements du système. Pour ne donner que deux exemples, mais emblématiques des situations rencontrées : la faille de sécurité raciste d'Apple, qui lors du lancement de l'Iphone X avait implémenté l'application Face ID (qui autorise un dévérouillage du smartphone à partir de technologies de reconnaissance faciale), appli qui avait permi à de nombreux·ses chinois·es de dévérouiller des Iphones X qui ne leur appartenaient pas… L'approche biométrique a donc ici été plus que défaillante. L'autre illustre exemple est le chatbot Tay de Microsoft, retiré aussitôt après avoir été lâché en roue libre sur Twitter, pour avoir très rapidemment viré raciste au fil des posts échangés avec les internautes.

    J'introduis donc l'œuvre a peu près ainsi, en appuyant sa perspective et son esthétique décoloniale, mais je présente dans un moment malheureux, parce que je ne m'étais pas suffisamment documentée, Tabita Rezaire comme une artiste africaine (ce qu'elle n'est pas). Par ailleurs, j'ai aussi réussi à donné le sentiment qu'il y aurait Une culture africaine, j'insiste sur le singulier dans la phrase. Peu de temps après, j'ai vu passé un article acide à l'encontre de Beyoncé, dont le titre était quelque chose du genre “Can someone tell Beyoncé that Black culture is not just one culture?”. J'ai pensé : “Can someone tell Beyoncé and Marjorie Ober that Black culture is not just one culture?”. Même si ça n'est absolument pas ce que j'ai voulu dire, c'est pourtant ce que j'ai semblé insinuer. Je ne peux revenir sur ces mots mais je peux reconnaître leur laideur, leur fétidité, qui alimente une idéologie abjecte, avec laquelle je me sens pourtant en lutte. Je peux les regretter, et comme cette discussion a été publique, il est peut-être d'autant plus important que je m'en excuse publiquement, raison première de cet article. Je présente donc mes plus plates excuses, en premier lieu à Tabita Rezaire, mais aussi à toute personne qui s'est sentie offensée par mes propos. Et je peux, enfin, essayer de réparer, en me prenant le temps, sincère, de présenter dignement Premium Connect, ainsi que l'artiste qui en est l'autrice, et de saluer la figure du cyberféminisme qu'elle est et que j'ai ainsi ignoré. J'ai donc moi aussi ma responsabilité dans cette perpétuation d'une histoire unique, le récit des "vainqueurs" (la patte de mouche plutôt que le guillemet est un choix), dans la transmission qu'on m'en a faite mais aussi dans mon ignorance, dans le manque d'esprit critique que j'émets à son égard, dans mes oublis. Quand bien même il y avait une « bonne intention » de départ (mais l'enfer en est pavé, on le sait bien) dans le fait de vouloir diminuer la sur-représentation blanche, si c'est ainsi fait… Je ne peux donc que me reprendre et essayer de relever les commentaires pertinents que j'avais à faire.

    Tabita Rezaire est donc une artiste nouvaux médias qui se définit comme franco-guyano-danoise. Elle est également thérapeute (santé-tech-politix) et professeuse de yoga (kemetic et kundalini). Son œuvre mêle l'artistique au spirituel, et active fréquemment le lien entre corps et technologies. Il est aussi important d'appuyer la forme de résistance politique que prend son travail, et c'est le cas dans Premium Connect notamment. Cette vidéo d'environ 13 minutes propose de « voir le monde dans un autre format » (citation extraite de la pièce) : les images qui se succèdent alternent une esthétique ancestrale, brutaliste, à une autre plus contemporaine, technologique, organique, biologique. On observe par exemple la confrontation ; de scènes rituelles, cultuelles, techniques, ou d'interventions scientifiques, sociologiques, philosophiques, relatives au savoir ; à des extraits de conversations sur smartphones qui font défiler des mèmes internet, l'ensemble des visuels mettant exclusivement des personnes racisées en scène (là aussi dans une perspective décoloniale) et cohabitant dans un espace 3D. Ce procédé agit autant sur la représentation au sens de présence (être et se sentir davantage représenté·e·s) que sur les associations culturelles, ces clichés que nous produisons, conséquence de cette histoire unique et que nous absorbons par la culture justement (ces idées circulent de nos livres à nos têtes). Ainsi on voit, dans ces extraits vidéos, comme on en voit trop peu dans la production culturelle, images et médias de masse, des personnes racisées en situation de savoir, de pouvoir, de maîtrise technologique, et non releguées à des rôles secondaires ou caricaturaux. “You seem to have forgotten that it was the love for inventing new things that causes the destruction of the first people” lit-on comme sentence, parmi d'autres phrases proférées machinalement par une synthèse vocale. En fin de vidéo, on reconnaît un passage du film Matrix, hacké, détourné, pour faire du personnage de Néo l'incarnation de la fragilité blanche, en colère car il s'aprête à céder des privilèges. Très réussi.

    Je pense enfin juste de conclure ces excuses et reprises par un discours de Chimamanda Ngozi Adichie donné lors d'une conférence TED — Nouvelle fenêtre (possibilité d'activer les sous-titres), une autrice qu'on m'a fait découvrir récemment à travers son roman Americanah (2016) et dont je cherche à me procurer le traité Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe (2017) qu'elle adresse à une jeune fille. Elle explique savamment dans cette intervention, et ce malgré le formatage que semblent induirent les événements TED, les dangers d'une histoire unique, et quel rôle nous jouons dans son prolongement.

    • Numérique
    • Féminismes
    Image 1 : Page d'accueil du site web de Girls Can Code!
    Image 1 : Girls Can Code!
    Image 2 : Page d'accueil du site web de Girls Who Code
    Image 2 : VS Girls Who Code.

    Ce mercredi 02 décembre 2020, j'ai été invitée à participer à un événement intitulé Girls Can Code! Bien que la sollicitation, dans l'énoncé du mail, fut plus que douteuse (j'y reviendrai un peu plus bas), je me suis tout de même renseignée sur la nature de l'événement (site web de l'événement Girls Can Code! — Nouvelle fenêtre. Il s'agit de sessions de stages en informatique (essentiellement de la formation au langage Python, pour ce que j'ai pu en voir), adressées aux collégiennes et lycéennes, et organisées par l'association étudiante Prologin, qui a pour habitude de promouvoir des concours informatiques. Cette asso (dont on peut trouver un descriptif complet sur leur site : page À propos de Prologin — Nouvelle fenêtre) se présente comme un groupe de « passionnés d'informatique », on suppose déjà, par l'absence de l'écriture inclusive, que le cortège est masculin. L'association se félicite néanmoins d'orchestrer les Girls Can Code! depuis 2014 pour le format semaine, et depuis 2019 pour le format week-end. Des sortes de summer camp en programmation. D'emblée, j'ai tiqué sur la mention “Can” dans Girls Can Code!, sérieusement ? Le point d'exclamation en plus. Les filles « peuvent » ou « savent » coder. Mais est-ce encore à prouver ? Ce titre sème le doute. Girls Who Code — Nouvelle fenêtre (les filles qui codent), aurait été tout autre chose… On peut d'ailleurs soupçonner un gros emprunt à cette identité visuelle-ci, ce vert trèfle ou même le favicon, et on regrette que le propos tenu n'est, lui, pas été relayé. La comparaison est à faire sur les deux images en début d'article. Le second événement, Girls Who Code, s'appuie aussi sur l'intersectionnalité dans la lutte pour éradiquer la domination masculine (ici dans le champ de l'informatique), et la dimension intersectionnelle devrait, il me semble, apparaître dès lors qu'on aborde la question de la représentation, puisque les hommes cis dont la position est remise en cause sont (le mot est sans doute encore faible) massivement blancs. Une amie m'a avoué être gênée aussi par le caractère infantilisant du terme Girls, un argument que j'entends, même si le public visé est effectivement un public de jeunes femmes.

    J'ai, pour ma part, été conviée à une participation à distance le 12 et 13 décembre. Le délai qui m'était laissé était donc relativement court, une dizaine de jours seulement, mais ça n'est pas sur ce point que je souhaite m'attarder, car je présume que la personne qui m'a contactée au nom d'Alsace Digitale — une association dont l'ambition est de construire un écosystème numérique alsacien, dans le registre French Tech, plus d'infos sur le site web d'Alsace Digitale — Nouvelle fenêtre — a également rejoint le projet sur le tard, laissant peu de temps à la préparation. Ce qui me met en colère en revanche, c'est le peu d'informations qu'on me donne pour me projeter et répondre : on me dit être urgemment à la recherche de développeuses pour l'événement qui se tiendra mi-décembre, on me dit encore, qu'il serait, en l'état, animé uniquement par des hommes cis, ce qui serait « dommage ». On me demande enfin si je peux être disponible ou si d'autres de mes contacts développeuses pourraient l'être. Et c'est tout. On ne me dit pas ce qui est attendu de ma participation, on ne me dit pas si c'est rémunéré ou non. On ne me présente pas l'événement. Ce que je me dis alors, c'est qu'on attend de moi de poser mon cul sur une chaise et d'être une meuf. Je ne me sens pas sollicitée pour mes compétences, mais uniquement pour mon genre. J'ai l'impression qu'on me demande d'être une caution. Je garde mon énervement pour moi, je ravale ma fierté, et demande quand même de quoi il en retourne (parce qu'il faut demander). Mon mail part le 3 décembre. A priori, l'évenément sera sous la forme d'ateliers en télétravail, par créneaux de 3h étalés au fil du week-end, sur des sujets particuliers, avec la possibilité d'obtenir un peu de matériel sommaire. Le planning est en cours de validation, me dit-on. Très bien, mais là on est le 9 décembre, quand j'ai cette réponse entre les mains, il me reste donc trois jours pour monter un truc. Difficile de produire quelque chose de pertinent en si peu de temps, et il me semble pire de proposer quelque chose de mauvais que de ne rien proposer du tout.

    Et j'ai encore moins envie de refiler ce plan à mon réseau, que je souhaite épargner : nous perdons suffisamment de temps et d'énergie dans la pédagogie, à expliquer à untel ou untel en quoi sa proposition c'est du flan. Lauren Bastide a très bien énoncé l'usure des militantes, lors d'une intervention aux Bibliothèques Idéales à Strasbourg (un festival littéraire tenu du 3 au 13 septembre 2020) pour son livre Présentes (Allary éditions, 2020) aux côtés de Bibia Pavard et Florence Rochefort, qui introduisaient leur manifeste Ne nous libérez pas, on s'en charge (éditions La Découverte, 2020). Elle dit, je cite :

    « Toute l'histoire, c'est que mon éditeur m'a dit : “Ce qui est très important Lauren, c'est que dans ton livre tu mettes des solutions”. Il faut que je trouve des solutions maintenant. J'ai identifié le problème déja, c'est pas mal. Puis je me suis rendue compte que je venais de mettre 350 notes de bas de page, de renvoyer vers 350 rapports, livres, associations, sites internet, comptes Instagram, podcasts, qui racontent tout ça. Les solutions en fait on les connaît, elles ont déjà été avancées. Et à chaque fois qu'on identifie un problème, on dit aux féministes : “Allez-y, argumentez, ramenez-nous des chiffres, ramenez-nous des solutions, vendez-nous vos solutions, comment on finance vos solutions ? Mmmh, ouais mais nan.” Et ça finit toujours comme ça en fait. On s'épuise, on s'épuise, et moi je refuse de m'épuiser, ça suffit à un moment donné. Si ça vous intéresse vraiment, si c'est un vrai souci pour vous, ouvrez ces bouquins, lisez-les, puis comprenez, et appliquez, puis avancez. C'est une forme de fatigue que j'exprime dans ce paragraphe. »

    Ce qui m'agace encore, c'est l'accaparation masculine de ce type d'event. Alsace Digitale brasse bien déjà à Strasbourg, elle a ses entrées, elle a de quoi manger. Elle n'a pas besoin de vitrine de ce type. Pourquoi ne pas s'être mise en retrait, pour laisser la place ? Je reprendrais Isabelle Collet, qui dans son essai Les oubliées du numérique (éditions Le Passeur, 2019), déplore cette tendance à « peindre l'informatique en rose ». Organisez des événements sur le thème de l'informatique sans appeler le genre dans leurs intitulés, et invitez exclusivement des programmeur·euse·s qui ne sont pas des hommes cis. Comment les étudiant·e·s sont-iels censé·e·s se projeter ou s'identifier à cette profession, si en face d'iells, iels n'ont que des hommes cis en exercice ? Une fois encore, cet exemple illustre la nécessité de la mixité choisie (ou du boycott, ou du hack). Pour prendre une place qui nous revient de droit et qu'on ne nous laisse pas prendre. Oh bien sûr, j'ai épluché les albums photos des éditions passées de Girls Can Code!, et j'y ai trouvé quelques clichés mettant en scène des personnes intervenantes qui ne sont pas des mecs cis, mais jusque là, tout me porte à croire que c'est de l'image, de la mise en scène justement. Ou pire : il y avait d'autres personnes que des hommes cis du côté des animateurices avant, et ça n'est plus le cas.

    • Technologies
    • Surveillance
    • Violences policières
    Image 1 : Vue de détail d'une affiche anti LSG de l'Atelier Youpi contre-collée sur du carton
    Image 1 : Visuel produit par l'Atelier Youpi — Nouvelle fenêtre. Photographies prises par Hackstub.
    Image 2 : Autre visuel de l'Atelier Youpi sur pancarte
    Image 2 : Série téléchargeable : visuels anti LSG de l'Atelier Youpi sur Nextcloud (PDF non accessible, 8,88 Mo) — Nouvelle fenêtre.
    Image 3 : Pancarte faite maison avec la mention Œil pour œil et les visuels d'un gilet jaune éborgné et d'un smartphone dont l'appareil photo a été remplacé par un œil
    Image 3 : Pancartes Hackstub — Nouvelle fenêtre, au rendez-vous ces dernières semaines.
    Image 4 : Pancarte faite main avec la mention Nous aussi on vous coupera les ailes et un visuel de drone aux hélices sectionnées
    Image 4 : Un article juste, incisif et joliment écrit est accessible sur le blog d'Hackstub : manifeste anti LSG d'Hackstub — Nouvelle fenêtre.
  • Web

    Websites mosaic

    Assembly of videos from websites in use

    Média 1 : More coming soon
    Image 1 : Montage de l'ensemble des sites web réalisés entre 2017 et 2020
    • Jeux vidéo
    • Web
    Image 1 : Pixel-héros dans une matrice de pixels
    Image 2 : Pixels corrompus envahissant la matrice

    Virus spreading

    Corrupted pixels invading matrix

    • Cyberféminismes
    • Art
    • Exposition
    Image 1 : Selfie d'un robot dans un environnement industriel
    Image 1 : Precy Numbi, Kimbalabala : Robot Sapiens pour l'Humanité en danger, 2019.
    Image 2 : Fauteuil d'examen gynécologique et vidéo diffusée sur un écran
    Image 2 : Tabita Rezaire, Sugar Walls Teardom, 2020.
    Image 3 : Détail de la vidéo de Tabita Rezaire (vue 1)
    Image 4 : Détail de la vidéo de Tabita Rezaire (vue 2)
    Image 5 : Projection vidéo dans une baignoire
    Image 5 : Cléophée Moser, Tumultes, 2020.

    Maison de force, du 25 septembre au 17 octobre 2020, exposition d'envergure par le collectif artistique Eaux Fortes à la galerie AEDAEN — Nouvelle fenêtre à Strasbourg. Présentation de l'exposition (texte emprunté sur le site de la galerie) :

    « Cette manifestation propose un parcours artistique, réflexif, sensible et esthétique hors des sentiers battus. Dans un décor immersif qui transforme AEDAEN en lieu de vie, 26 artistes internationaux et un collectif engagé remettent en question la force comme impératif, et tentent de donner au sensible une place nouvelle dans la construction de nos imaginaires et de nos sociétés. Les œuvres exposées décortiquent les relations de pouvoir, analysent la mécanique des modèles asservissants, et identifient des moyens de les démanteler, les déconstruire, d’entrer en résistance. Pour beaucoup, les pratiques de ces artistes apparaissent comme des recettes magiques libératrices, qui permettent d’imaginer autrement nos relations. »

    • Informatique
    • Musique
    • Data
    Image 1 :
    Image 1 : Vue de Superposition de Rioji Ikeda. Deux performers, semblables à des laborantins du son, ainsi qu'une trentaine d'écrans, composent le visuel et le sonore en s'essayant à l'informatique quantique. Image : Le Maillon. Extraits vidéos de Superposition sur le site de Ryoji Ikeda — Nouvelle fenêtre.

    Nous avons animé avec Ada Lanerd une discussion autour de la donnée dans le hall du Maillon à Strasbourg ce samedi 26 septembre 2020 à 17h, en introduction à la pièce Superposition de Rioji Ikeda, dont une représentation était programmée à la suite de la discussion à 18h30. L'association de spectateurs Maillon Plus nous a convié dans le but d'assurer non pas la médiation de l'œuvre d'Ikeda mais afin de donner des clés de compréhension dans le domaine de l'informatique et de la musique.

    Notre intervention d'une heure nous a permi d'aborder l'histoire conjointe de la musique et de l'informatique, mais aussi d'évoquer d'un point de vue critique le mythe construit autour de la donnée, ses enjeux et ses usages aujourd'hui. Un pad regroupant les notes de notre présentation est diponible : pad de notes sur l'histoire conjointe de l'informatique et de la musique.

    • Graphisme
    • Féminismes
    • Exposition
    Image 1 : Peinture murale avec des personnages et des animaux hauts en couleurs
    Image 1 : Les illustrations de Caroline Laguerre, que j'ai toujours le plaisir de croiser lors de mes séjours à Paris.
    Image 2 : Couverture d'un livret intitulé Prix Aware pour les artistes femmes 2018
    Image 2 : Exposition du 10 septembre au 13 décembre 2020 à la MABA. Commissaire : Vanina Pinter. Graphistes·artistes invitées : Margaret Gray, Catherine Guiral, Anette Lenz, Fanette Mellier, Marie Proyart, Susanna Shannon et Sylvia Tournerie. Scénographie : Kévin Cadinot.
    Image 3 : Site web Aware présentant les lauréates
    Image 4 : Charte graphique du prix Aware décliné sur divers supports
    Image 5 : Plusieurs travaux graphiques (éditoriaux notamment) de Sarah Kathryn
    Image 6 : Couverture d'un livret intitulé Rappel des titres
    Image 7 : Double-page intérieure du livret
    Image 8 : Mur de livres à consulter
    Image 9 : Vue de détail du mur de livres
    Image 10 : Affiches pour la fondation Cartier sur l'exposition Malick Sidibé, Mali Twist
    Image 11 : Sélection d'ouvrages à consulter
    Image 12 : Sélection d'affiches
    Image 13 : Détail d'un portrait ASCII
    Image 13 : Margaret Gray
    Image 14 : Dessin d'une architecture en ligne claire animé
    Image 14 : Marie Proyart
    Image 15 : Affiches d'Anette Lenz pour Le Phare, centre chorégraphique national du Havre
    Image 15 : Anette Lenz
    Image 16 : Sélection de livret-programmes du Phare (vue 1)
    Image 17 : Sélection de livret-programmes du Phare (vue 2)
    Image 18 : Visuel du festival de danse Pharenheit
    Image 19 : Illustration abstraite de plans de différentes perspective au trait en couleurs sur fond noir
    Image 20 : Dessin de motifs abstraits (vue 1)
    Image 21 : Dessin de motifs abstraits (vue 2)
    Image 22 : Visuels pour l'exposition (vue d'ensemble)
    Image 22 : L'affiche de l'exposition et ses variations, signées par le studio Rousset-Templier (Julie Rousset et Audrey Templier), imprimées par Yann Owens.
    Image 23 : Visuels pour l'exposition (détail 1)
    Image 24 : Visuels pour l'exposition (détail 2)
    Image 25 : Visuels pour l'exposition (détail 3)
    Image 26 : Visuels pour l'exposition (détail 4)
    • Web
    • CSS
    Image 1 : Capture de lignes de code
    Image 1 : Le sélecteur grid-template-areas permet, via le texte, de définir une grille d'éléments, du positionnement de ces éléments à leur proportion.
    • Photos
    • Paysages
    Image 1 : Vue d'une cathédrale depuis une ruelle
    Image 1 : La cathédrale de Kemper, saisie entre quelques anciens bâtiments. Non loin de la Place au beurre, célèbre pour avoir été encerclée de crêperies.
    Image 2 : Vue de mer (cliché 1)
    Image 2 : Les côtes "sud" de la pointe bretonne.
    Image 3 : Vue de mer (cliché 2)
    Image 4 : Statue de bretonnes
    Image 4 : Un monument en hommage aux bigoudaines, pour une fois ! Qui salue leur bravoure et leur tenacité en l'absence des maris partis en mer. Il fallait poursuivre la vie au village, subvenir aux besoins de ses habitant·e·s, travailler aux champs, etc.
    Image 5 : Cartel de la statue
    Image 5 : Ah non, encore un énième mémorial adressé aux vaillants marins disparus. Des femmes on ne retiendra que la figure de vierge éplorée… Après le sexisme alsacien, le sexisme breton. J'ai hâte du tour de France. Avec le sexisme systémique, national, je ne crois pas qu'il soit bon de cultiver, en plus, une production locale de coutumes sexistes.
    Image 6 : Gradins de plein air
    Image 6 : Une estrade "naturelle", un dispositif de ville intéressant, qui permet l'intervention de groupes en itinérance où sans lieux de représentation, ou qui peut être une place d'expression libre pour chacun·e. Ce type de structure est plaisant à voir, même si déserté en période de crise sanitaire, au milieu de toutes les installations « anti-site » mises en place par les communes.
    Image 7 : Tomate en forme de cœur
    Image 7 : La cœur-de-breton, grosse, bien sûr !
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    • Web
    Image 1 : Pixel-héros et possibilités de déplacement (vue 1)
    Image 2 : Pixel-héros et possibilités de déplacement (vue 2)

    Déplacement du pixel-héros

    Le pixel principal se déplace à différents endroits matérialisés par un contour rouge.

    • Politique locale
    • Strasbourg
    • Communication
    Image 1 : Photographie de Catherine Trautmann en campagne municipale pour la ville de Strasbourg en 2020, entourée de deux personnes portant un masque sanitaire avec un sourire blanc sur fond rouge
    Image 1 : Vu sur Twitter. La conférence de presse de Catherine Trautmann, candidate PS de la ville de Strasbourg, en vue des municipales. Le choix du sourire arboré sur les masques me semble vraiment maladroit, et c'est le moins qu'on puisse dire. Image, symbole, de la langue de bois et du cynisme politique.
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    Image 1 : Îcone de super utilisateur issue du set Nuvola sur Wikimedia Commons
    Image 1 : Voici l'icône de l'« utilisateur suprême » (l'utilisateur qui a toutes les permissions, notamment l'accès à l'administration système de la machine) issu du set d'icônes pour logiciels libres Nuvola (nuage en italien), dessiné originairement par David Vignoni pour les environnements KDE et GNOME, et aujourd'hui également accessible pour Windows et Mac. Pourquoi ce superuser a-t-il l'allure d'un patron ou d'un cadre blanc (c'est la cravate qui parle, et son attitude : main derrière le dos, typique de la posture de cellui qui contrôle, inspecte, surveille, qui me fait dire ça) ? L'idéologie apparaît déjà dans les icônes de nos interfaces. Et le nom de cette icône “Icon King Permission”, ne fait qu'en attester. L'utilisateur (et non l'utilisateurice) est roi. Il ordonne, et la machine (ou la nature, ou la femme) éxécute. Rappelons la définition du mot « Ordinateur » que donne le Littré : « Ordinateur : adjectif désignant Dieu mettant de l’ordre dans le monde. » Rien que ça. Mieux vaut chercher la déesse, ou la·e cyborg.