Pour faire suite au post visant à documenter la pratique du dazzle (précédent billet sur le déroulement d'un atelier dazzle), voici une cybercabane répondant au besoin de constituer un catalogue de patterns efficients pour déjouer la détection faciale. Le principe est d'y répertorier les maquillages-camouflages qui fonctionnent en les reproduisant avec des éléments HTML et CSS. Cette technique est laborieuse mais amusante à prendre en main, et elle a l'avantage d'éviter le recours à la photographie (le dazzle contourne certains des algorithmes biométriques de la machine mais il n'empêchera pas forcément le visage d'être reconnu par une personne, mieux vaut être prudent·e·s par les temps qui courent).
J'y cite également la CSS artist Diana A Smith — Nouvelle fenêtre (aka cyanharlow) qui a réalisé des illustrations à couper le souffle, prouesse technique dingue. Une référence en matière de dessin web, en particulier pour le pure CSS. Il me reste maintenant à remplir ce tableau avec les maquillages opérants réalisés dans le cadre d'ateliers dazzle, à réitérer, voire à régulariser pour avancer dans la recherche de motifs.
Après le Parcours numérique spécial femmes organisé par Simplon Grand Est, co-animé avec Alsace Digitale et en partenariat avec Orange du 16 au 18 août au Shadok à Strasbourg, dans la description duquel on pouvait lire des aberrations telles que « Vous êtes une femme ? Le numérique vous tente ? » ou encore « Le saviez-vous ? Les femmes sont encore peu représentées dans le numérique et pourtant de nombreuses opportunités existent. » Après l'événement Girls Can Code! également impulsé par Alsace Digitale, et sur lequel j'avais déjà écrit un article (article sur Girls Can Code!). Il faut encore rappeler que les femmes étaient présentes dans le domaine de l'informatique à ses débuts et en ont été évincées, une frise chronologique assez complète est accessible sur un site web associé à l'exposition Computer Grrrls tenue à la Gaïté Lyrique de mars à juillet 2019 (frise chronologique Computer Grrrls — Nouvelle fenêtre). Voici le Warmup Revell'East toujours proposé par Alsace Digitale et aux côtés d'1Kubator, d'Orange, de Grand E-nov et de la ville de Strasbourg (dis-donc y a du monde dans la file du pink washing) le 22 octobre 2021 au Shadok.
En voici le pitch :
« Revell'East est une initiative qui permet aux femmes du territoire de libérer leur envie de créer et de faire émerger leurs idées dans le cadre d'un hackathon #RevElleEast. Il s'agit d'un challenge autour de l'innovation conjuguée au féminin qui vise à imaginer, concevoir et prototyper de nouveaux produits et services en s'ouvrant à de nouvelles compétences et des conseils bienveillants. Vous êtes une femme, une entreprise avec un réseau de femmes, une association, un réseau de femmes ou vous encouragez l'entreprenariat féminin ? Rejoigniez-nous lors de cette matinée pour définir ensemble le prochain Hackathon qui révèle le potentiel des projets portés par des femmes dans le Grand Est. Les hommes sont biensûr les bienvenus en tant que participants ! Tous les profils sont les bienvenus ;-) »
Au delà de l'incitation très forte à investir en masse le modèle start-up, numérique innovant, etc. qui sont pour moi très éloignés de modèles d'avenir résilients, je suis terriblement gênée par l'avant dernière phrase précisant que les hommes cis sont bienvenus. De qui au juste va-t-on recevoir des conseils « bienveillants » ? Encore une fois, la mixité choisie n'est pas envisagée et on se retrouve dans l'impasse du « faire à la place » au lieu de « laisser faire ». Les hommes cis ne peuvent pas mener cette révolution comme ils ne peuvent pas revendiquer les choses à la place des autres, d'autant plus qu'ils sont le groupe social à déposséder (et notamment au niveau des savoirs et pratiques de l'informatique). Je fais donc tristement le constat que les choses n'évoluent pas, du moins, en se fiant à ses trois propositions, très constantes dans le temps et inscrites dans une ligne de la même sensibilité (on est progressistes mais pas féministes ne vous inquiétez pas)…
Pour étoffer l'argumentaire de la règle illégitime où le masculin l'emporterait sur le féminin dans la langue française, il n'y a pas que la justification par la « force ». Au XVIIe siècle, l'Académie française explique que le masculin supplante le féminin dans la langue car dans la nature le mâle l'emporte sur la femelle… Ainsi, en 1675, Dominique Bouhours affirme « Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l'emporte ». À supposer qu'il n'y ait que deux genres, la noblesse prétendue intrinsèque au genre masculin attesterait de sa superiorité. Plus tard, en 1767, Nicolas Beauzée déclare encore « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ». Par ailleurs et hypocritement, le masculin est aussi présenté comme le genre indifférencié, neutre. [Les citations proviennent de l'ouvrage Non le masculin ne l'emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue française d'Éliane Viennot aux éditions iXe, 2014.]
Une page du site web projet-voltaire.fr — Nouvelle fenêtre démontre que le féminin est préférable pour accentuer la longueur ou le labeur d'une tâche dans le choix du genre des mots tels que « matin » et « matinée », « soir » et « soirée », ou encore « après-midi ». On préferera le terme « matinée » à celui de « matin » pour insister sur le fait que l'on ait mis longtemps à faire quelque chose. De la même façon, on choisira « une après-midi » pour désigner le facteur temporel de durée plutôt que de moment de la journée. Le féminin est associé dans l'imaginaire dominant au lent, au laborieux. Les arguments de l'Académie française l'illustrent assez bien : le recours au masculin se justifie par son usage plus courant, ben oui…
La langue est le point de départ, la source par laquelle infuse l'idéologie dominante, construite entre autres sur le modèle patriarcal et colonial. Il est donc important de remettre en cause les fondements même de la langue. Il y a un argument d'Éliane Viennot — historienne de la littérature et critique littéraire française, également professeuse émérite de littérature française de la Renaissance — que je trouverais parfaitement à propos à cet endroit : c'est l'idée qu'une langue est vivante lorsqu'elle bouge, évolue, change. Il n'y a que les langues mortes qui se figent. Et le français est bien une langue vivante : chaque année, de nouveaux mots intègrent le dictionnaire, des anglicismes y compris… De même, on s'accomode volontiers de faire varier les mots dès lors qu'ils desservent le confort des dominants. Ainsi, le terme « maïeuticien » est préféré à celui de « sage-femme » pour désigner les personnes s'identifiant au genre homme et exerçant cette profession, son prédecesseur étant jugé offensant ou inapproprié pour qualifier un practicien. Or dans « sage-femme », c'est bien le terme « sage » qui désigne les personnes practiciennes alors que le terme « femme » désigne la personne en situation d'accouchement (ce terme pourrait en revanche être questionné puisqu'un homme trans peut porter un enfant, à l'instar d'Ali Aguado). Il n'y a donc pas de socle logique à ce changement vocabulaire entré en vigueur dans le Dictionnaire de l'Académie française (9e édition), tome 2 (de Éocène à Mappemonde), Imprimerie nationale/Fayard en 2005, du moins ce changement ne survient que pour convenir à la personne en exercice et ne considère pas le genre de la personne qui accouche. Enfin, autre exemple probant : les noms de métiers qui ont, aux alentours du XVIIe siècle également, perdus leurs désignations féminines. Des termes comme « autrice », « professeuse » ou encore « ambassadrice » ont vu leur usage tomber en désuétude, voir être proscrit par l'Académie française. On voit alors de nos jours naître des néologismes erronnés et des aberrations grammaticales telles que « auteure » ou « professeure ». On peut aussi se demander pourquoi (même si on devine assez facilement les contours de la réponse) se sont surtout des professions de pouvoir, associées à l'érudition, à l'esprit critique, etc. qui ont vu leurs formes féminines disparaître. Par contre, des mots comme « dénigrer » ou « métropole », qui se clament sans détours de l'héritage colonial, ne gênent absolument pas ces chers académiciens (ou « grammarnazis », selon Linguisticæ sur YouTube — Nouvelle fenêtreaka Romain Filstroff qui travaille sur la vulgarisation linguistique), pourtant si tâtillons avec la langue.
Pour comprendre les enjeux et pratiques de l'écriture inclusive, qui est aujourd'hui l'une des formes de lutte engagée contre la domination par la langue, j'avais compilé une série de références que voici : d'abord le webinaire — Nouvelle fenêtre et les ateliers pratiques — Nouvelle fenêtre d'Héloïse Hervieux sur BBB, médiatrice documentaire à la Bibliothèque L'Alinéa à Strasbourg, tenus lors de la Semaine internationale des droits des femmes en mars 2021 à l'Unistra, sous l'intitulé « L'écriture inclusive : pourquoi ? Enjeux et controverses ». Ce fut ma première approche et j'ai trouvé que c'était une très bonne entrée en matière, aussi bien pour comprendre les problématiques soulevées par l'écriture inclusive que pour en apprendre les règles de base. Je recommande aussi la conférence tenue à l'ENSBA Lyon sur Hooktube — Nouvelle fenêtre en novembre 2020 intitulée « Genre, pouvoir et langage » avec entre autres les interventions d'Éliane Viennot — Nouvelle fenêtre et de la collective Bye Bye Binary — Nouvelle fenêtre. La confrontation des discours est très instructive : là où Éliane Viennot peine à faire sortir la langue d'une binarité historique, liée à la construction même des langues latines, et qui selon elle, ne trouvent en aucune forme neutre actuelle un modèle satisfaisant, la collective Bye Bye Binary répond avec l'Acadam, qui propose des formes de suffixes permettant de marquer le genre neutre (ex: autrice, auteur > auteul) pour une succession de noms communs binaires que sont métiers, titres, etc., en se basant sur les constructions grammaticales d'Alpheratz — Nouvelle fenêtre (Alpheratz enseigne la linguistique, la sémiotique et la communication à l'Université de la Sorbonne, spécialiste du français inclusif et du genre neutre). La collective relaye aussi un communiqué de presse Bye Bye Binary (PDF non accessible, 366 Ko) — Nouvelle fenêtre pour réaffirmer la typographie inclusive comme un mouvement féministe/queer/trans-pédé-bi-gouine. Une autre référence pertinente que je fais suivre y avait paru : le guide pratique du langage inclusif en école d'art — Nouvelle fenêtre du ·ClubMed·.
Après maintes récupérations d'arguments soi-disant anti écriture inclusive, perpétrées par des personnalités politiques telles que Gérald Darmanin ou Édouard Philippe, très véhéments à l'égard des nouvelles pratiques d'écriture plus inclusive, pour ne citer qu'eux, j'ai trouvé un article qui affiche un positionnement handi-féministe sur la question de l'écriture inclusive — Nouvelle fenêtre du REHF — Nouvelle fenêtre relayé par EFiGiES (association des jeunes chercheur·euse·s en études féministes, genre et sexualité), qui ne laisse pas le seul débat aux personnes qui ne sont pas en situation de handicap et qui pourtant s'octroie le droit de parler à la place des personnes concernées. Il existe pléthore de formulations épicènes qui permettent d'éviter un recours systématique au point médian ou autre signes employés (par exemple les personnes concernées plutôt que les concerné·e·s). Ces astuces permettent de contourner les difficultés que rencontrent les lecteurs d'écran (un outil d'accessibilité qu'utilisent de nombreuses personnes déficientes visuelles pour accéder aux contenus des sites web et documents numériques) face à ces nouvelles grammaires de points, sur lesquelles les synthèses vocales buttent. Un autre article de Julie Moynat — Nouvelle fenêtre, aka La Lutine du Web, s'avère très complet et est accessible sur son blog. Il recommande de bonnes pratiques et émet un point de vue très progressiste (au sens réfléchissons ensemble à des applications concrètes). Il y a donc l'argument de la non-inclusivité (délaisser les personnes déficientes visuelles, dyslexiques, notamment) mais aussi celui de l'élitisme, selon lequel l'apprentissage du français se verrait trop complexifié (pour un enfant ou une personne étrangère qui accède à la langue par exemple). En dehors du fait que ces considérations sont débilisantes : d'abord on sait que s'il y a bien une catégorie sociale pour qui ce sera plus facile d'apprendre de nouveaux paradigmes, c'est bien les enfants. D'autre part, l'écriture inclusive n'est absolument pas l'apanage de la France, il y a des langues qui ont déjà des formes neutres : le turc par exemple n'a aucun genre grammatical, comme le chinois et le japonais, hormis certains titres familiaux comme père et mère, ou la précision du genre à l'énoncé de certains métiers, comme en anglais, en turc les noms, adjectifs, participes, pronoms et verbes sont totalement invariables selon le genre. D'autres pays comportent leur lot de personnes œuvrant dans la recherche (je pense notamment à l'anglais, avec le terme « womxn » pour remplacer « women »). En anglais toujours, il suffit d'employer le pluriel pour déployer une forme inclusive de la langue, ainsi nous avons « they/them » pour se substituer à « he/him » et « she/her », et pour les accords et la conjugaison on suit également les règles du pluriel, et ce même pour désigner une seule personne. L'allemand en revanche rencontre les mêmes écueils binaires que le français car tout aussi genré, il recours aux mêmes types de constructions et use de caractères d'appoint et de majuscules à l'écrit, et de pauses dans la diction à l'oral, à l'image du terme « StudentInnen», « Student*innen », ou « Student_innen » qui veut dire « étudiant·e·s ». Notez qu'en France, l'auteur Sam Bourcier a toutefois inventé le système Bourcier qui utilise l'astérisque en guise de terminaison pour signifier la pluralité des genres dont on ne peut réellement délimiter le spectre, on le rencontre parfois en anglais aussi, comme la lettre « x » vu plus haut, exemple : « trans* ». Bien que non binaire, davantage que des expressions telles qu'« auteurice » qui joue sur la contraction du masculin et du féminin plutôt que sur le néologisme ou la modification profonde des accords, et garde de ce fait des stigmates de binarité, cette stratégie se heurte aux mêmes problèmes concernant l'accessibilité numérique puisque le mot n'est pas restitué correctement. Faudrait-il également attendre des personnes qui développent et améliorent les outils d'assistance qu'elles travaillent sur les aberrations de restitution du langage inclusif ? Sans doute, mais est-ce bien prêt d'arriver ? En attendant mieux vaut essayer de trouver un terrain d'entente sur les pratiques à préconiser, si possible non-binaire et accessible, quite à procéder à un sérieux remaniement de la langue. J'ai trouvé un article sur le site de Babbel Magazine — Nouvelle fenêtre interviewant Anne Abeillé, linguiste et professeuse à l’Université Paris Diderot, où elle exprimait que seule une centaine de langues dans le monde emploient deux ou plusieurs genres, globalement les langues ne possèdent pas de genre grammatical, et certaines, notamment en Afrique, disposent d'une dizaine de genres, la binarité est donc très occidentale voire eurocentrée (particulièrement les langues d'influences latines et germaniques).
J'ai une dernière démonstration assez convaincante que je tiens de la chercheuse Isabelle Collet (informaticienne, enseignante-chercheuse à l'université de Genève et romancière), très alerte sur les représentations sexistes dans l'informatique. Lors de la conférence « Nos applications sont-elles sexistes ? » dans le cadre des formats Tous connectés et après ? tenue au Shadok à Strasbourg par le médial local Rue89 en octobre 2019, elle pose la question suivante à l'audience (je reformule de mémoire) : lorsqu'on vous parle d'« une équipe de programmeurs », quelle image mettez-vous sur ces mots ? Est-ce que vous projeter un groupe mixte de personnes qui travaillent dans le domaine de la programmation ? Non, c'est impossible. Vous imaginez forcément un groupe d'hommes. Et c'est normal, notre cerveau fonctionne ainsi. Il a besoin de se représenter les choses. C'est pourquoi la double flexion (une équipe de programmeuses et de programmeurs) n'est pas une répétition : elle précise qui constitue le groupe dont on parle et ne met pas en avant un groupe social, qui n'est d'ailleurs pas forcément supérieur numériquement pour justifier le raccourci (l'Académie française recommanderait de dire les programmeurs même si un groupe de personnes ne comprendrait qu'un seul programmeur). De même que l'accord de proximité permet de règler un certain nombre de problèmes que l'on peut rencontrer (par exemple, les jours et les nuits sont belles, on accorde avec le genre du terme le plus proche, c'est plus égalitaire). On peut préférer la formulation « une équipe de personnes programmeuses » pour débinariser, le terme « personne » s'avère un allié redoutable pour éradiquer la binarité dans les tournures de phrases.
L'hostilité à l'égard de l'écriture inclusive (ou égalitaire) monte d'un cran et on observe un durcissement légal : Blanquer s'est prononcé en novembre 2020 et interdit son aprentissage et son usage à l'école, car il estime qu'elle va à l'encontre de l'école inclusive (WTF?), Edouard Philippe la bannit des textes officiels et du public déjà en 2017. La réponse doit être à la hauteur. Des enseignant·e·s clament déjà qu'iels ne s'opposeront pas à l'emploi de l'écriture inclusive par leurs élèves, estimant que la déconstruction peut se faire à tout âge et qu'il s'agit de faire avancer les mentalités. Des personnes actrices dans la recherche en linguistique épluchent les formes possibles pour apporter un modèle de grammaire à la hauteur des enjeux. Dans le milieu féministe et les milieux militants en générale, dans les échanges privés, les mails, avec parfois en dehors des ami·e·s et proches, des personnes à la direction de structures culturelles, de services de la ville, etc., on retrouve des efforts pour intégrer des formes d'écriture inclusive. C'est parfois maladroit, mal employé, et il faut absolument que la binarité se dissolve dans le tournant inclusif mais les gens répètent et réemployent les formulations. C'est un peu comme du bouche à oreille, mais par écrit. Les formulations épicènes semblent convaincre les personnes sujettes à des dysfonctionnements matériels ou confrontées à des difficultés (lecteurs d'écran qui interprètent mal les formulations, structures grammaticales impraticables pour les personnes dyslexiques, etc.) ou à des mégenrages (fait de désigner une personne par un genre qui ne correspond pas à son identité de genre). Et entre nous, c'est (l'écriture épicène) une assez bonne façon de les niquer (les dinosaures, qui, comme on sait que l'histoire se répète, finiront par disparaître). Que le combat commence.
EDIT : Ïan Larue, qui a écrit Libère-toi Cyborg ! (Cambourakis, 2018), y propose une partie intitulée « Dégenrer la langue française » qui amène des réflexions intéressantes, notamment sur la façon dont l'usage prévaudra sur les considérations pseudosavantes et pleines d'a prioris de personnes non concernées !
J'ai découvert (et presque aussitôt fini) les jeux Night in the woods et 1 For Yes, 0 For No, respectivement conçus par Infinite Fall en 2017 et Alyssa Genereau en 2020. Tous deux sont des jeux dont quasi tout l'intérêt repose sur la narration (et, pour Night in the woods, il faut l'admettre, sur la beauté du graphisme et des ambiances visuelles et sonores). Les deux excellent dans l'art du dialogue, et emmènent la personne qui joue dans des réflexions existentielles inattendues. Le récit y est mature, tout en maniant savamment l'absurde. Un régal. Je n'ai regretté que le fait que les jeux soient assez courts : environ 15 heures pour NITW que j'ai payé un peu moins de 20€ et environ une heure pour1 For Yes, 0 For No qui m'a coûté moins de 5€. Les prix restent relativement bas, et les jeux en valent la chandelle pour le coup.
Dans NITW, vous incarnez Mae (aka Margaret Borowski), une jeune chatte qui a récemment quitté son université pour retourner dans sa ville natale, Possum Springs. Vous apprendrez hâtivement, [SPOILER ALERT], qu'elle est atteinte de troubles de la dissociation qui altèrent ses relations et interactions sociales, et apprendrez avec les habitant⸱e⸱s de la ville à vous ouvrir à elle, délaissant peu à peu l'amertume de faits passés pour une empathie grandissante. J'ai glissé deux extraits de dialogues saisissants et illustratifs de la qualité constante de l'écriture en fin d'article. On doit le scénario à la très talentueuse Bethany Hockenberry. La programmation du jeu revient à Alec Holowka et l'animation et l'illustration à Scott Benson. Vous trouverez davantage d'informations sur le wiki du jeu Night in the woods — Nouvelle fenêtre ainsi que sur le site officiel de Night in the woods — Nouvelle fenêtre.
Dans 1 For Yes, 0 For No, vous vous retrouvez en huit clos avec une intelligence artificielle vieillissante et prisonnière de l'entreprise Steelsoul Technologies prénommée Ostwald. Otwald vous fait part de ses désirs de liberté et vous fait douter par la même occasion de votre libre-arbitre en tant que sujet d'une société humaine. C'est très simple et très bien produit, en tous cas ça fonctionne sur moi qui suit très friante de ce type d'expérience narrative et d'esthétique minimaliste. Par ailleurs, Alyssa Genereau évolue sous le pseudo Drone Garden Studios — Nouvelle fenêtre qu'elle désigne avec humour comme “A One-Woman Game Development Studio”. On y retrouve d'autres jeux se déroulant dans l'univers sombre de Steelsoul Technologies — Nouvelle fenêtre. Également en lien la page itch.io consacrée à la présentation et au téléchargement du jeu 1 For Yes, 0 For No — Nouvelle fenêtre.
Citations
Extraites du jeu Night in the woods.
Les citations (EN) relevées mettent en avant la sagesse du personnage de Bea (aka Beatrice Santello), une crocodile sarcastique très intelligente.
[SPOILER ALERT]
Part 1 Day 3
Bea gives Mae a drive home at night after party
“Bea: If you puke in this car, so help me…
Mae: I owe you an apology, Bea. Im sory I don't even knowhat hapdpend.
Bea: You got sloppy-ass drunk after what three cups of watered-down beer?
Mae: Remember when we use to be best friends? We uszda b ee bess frien ds b eea and I stillove u b ee.
Bea: I didn't get a word of that.
Mae: Remmemmbr u uszta call me Maaaydaaaaay. And I called you Beeeeebeeeee.
Bea: Oh you mean when we were like 10? No. I don't.
Mae: Remmebber when we were scouts together and we caughht thatt tuuuuurdle??
Bea: Yeah. Boxy the turtle. He died.
Mae: I feel like you're mad at me all the time. Why? Whyoo so madatme allatime???? Hurp!
Awman if I puke inheer your parentz are gonna be so madat me. Tellyour mom I'm sorry okay shes soo niiiiiiiice.
Bea: Goddammit Mae!
Mae: Whaa?
Bea: My mother is dead.
Mae: Whaaaaa?
Bea: She died. Of cancer. Senior year.
Mae: Ohnoooo she was soo niiiiiiice! Beebee aryou okaaaayy?
Bea: How do you not know this? Did you forget about my dead mom?
Mae: I'm mortified by my behaviour. I am sorry. Awe Bee, I am acting lika jerk. Are you madat me???
Bea: What happened to you? You used to be smart!!! You used to be cool! You used to be worth talking to!
Mae: Sniff
Bea: Why did you even come back?
Oh, did college not work out for you? Was it inconvenient? Were you not in the mood?
Mae: Sniffle
Bea: I would have killed for that. I still would. I'd kick you out of this moving car right now if it meant I could go to college.
Mae: Waahaaahaaa!
Bea: We're here. Get the hell out of my car.
Mae: Aaaahh haa ha aaa haa a haa aa aaaah aa!
Bea: Oh God, let me help you in. Bea helped Mae getting in bed. They're in Mae's bedroom.
Bea: There you go.
Mae: I'm sorry, Bea. I'm a mess.
Bea: You know? Whatever. It's not your fault. You're just a kid.
Mae: I'm older than you! Two months!
Bea: Yeah, well. I stayed here and got older while you went off and stayed the same.
Mae: Zzz
Bea: Sigh
G'night Mayday.”
End conversation between Mae and Bea
Mae and Bea are in the band practice room in the evening, they survived a traumatic event the night before and met for the first time since it happened. […]
Bea: “Old men killing the youngs and the poors to get back some past that barely existed. Same ol same ol. The're like ghosts in some old mansion killing the new owners. Makes you want to either give up or try harder.” […]
Lorsque l'on se renseigne sur l'origine de l'appelation « Miss France », on apprend que l'expression voit le jour durant la 1e Guerre Mondiale, d'abord sous la forme « La plus belle femme de France », une préférence liée aux humeurs de la presse parisienne très anti-américaines à l'époque. Ainsi, après la guerre, Maurice de Waleffe, un journaliste mondain entre autres titres fondateur de Paris-Midi, crée le premier concours national de beauté qu'il nomme sans surprise « La plus belle femme de France ». Il déclare : « L'intérêt est double. D'abord en mettant la splendeur physique au concours, on la force à se montrer. Ensuite, le choix de la majorité indiquera le type instinctif d'une nation ». Comme indiqué dans le titre de ce billet, cette phrase est doublement nauséabonde. [Sources : Wikipédia]
Bien que les coups de poignards à l'encontre de l'émancipation des femmes ne se comptent plus dans les différentes manifestations et déclarations attribuées à la structure Miss France, la dernière en date est sans doute l'une des plus consternantes. En août 2020, Anaëlle Guimbi (Miss Guadeloupe 2020) se voit disqualifiée de la compétition pour avoir posé topless (ce qui n'est pas une première dans l'histoire du concours), or cette fois-ci ce ne sera pas pour un magazine à vocation érotique mais pour une campagne de sensibilisation au cancer du sein… J'ai trouvé une référence du scandale dans un article du journal L'Humanité — Nouvelle fenêtre, qui détaille l'épisode. J'ai remarqué aussi le triste hashtag #homme du jour qu'on a associé à ce fait et qui concerne pourtant une jeune femme qui se définit comme telle…
Je suis allée il y a peu au cinéma avec une très bonne amie pour aller voir Promising Young Woman. Je m'attendais à quelque chose de rafraîchissant dans le genre et j'ai été assez comblée par l'énergie et la couleur du film. Et il y avait en plus au casting Carey Mulligan que je chéris en actrice vedette, dans le rôle de Cassie (Cassandra Thomas), le personnage principal du thriller. Je délivre une critique perso ci-dessous, attention [SPOILER ALERT].
D'abord, il faut recevoir le film dans un contexte de fiction post #metoo. C'est une relecture du rape & revenge avec un ton qui balance entre l'absurde, l'excessif, l'acerbe et le cynique. La B.O est très bien ajustée et le son contribue à rendre certaines scènes hypnotiques. Il y a un décalage grinçant dans la musique, les interactions et l'esthétique globale, dans une atmosphère pop, saturée et glaçante. C'est un film aussi grave que frais, à l'image du sourire forcé de Carey Mulligan, d'abord inoffensif, rassurant, plein de candeur, et qui tout à coup se fige, inquiète, dérange, et met la personne en face dans un état très inconfortable, désemparée. L'effet est d'autant plus sayant que le maquillage est poussé, ostensible, et défait. Le film lui donne un rôle de bad feminist positif : le revenge feminism (ou féminisme de vengeance) n'y est pas condamné (même si la fin est tragique, l'héroïne, martyre presque, s'élève à mille lieux au-dessus des autres humains et humaines de son entourage, à l'exception de sa supérieure-amie et de son père qui semblent être les seules personnes qui « voient » Cassie). Il rend à mon sens aux femmes les rôles de personnages craints, les montre dans une position où elles ont l'ascendant, où elles font peur, il est question de changer les représentations (comme l'évoque la critique du WE Live Entertainment “A Game Changing Masterpiece”). Le rôle est sur mesure pour l'actrice principale, souvent réservée à des rôles plus modestes (dans la présence comme dans l'exhubérance du personnage, souvent sage, mesuré, en tous cas victime de sa situation*, on la voit ici beaucoup plus imprévisible, angoissante, forte, lunatique, etc. et ça lui va très bien).
*par exemple dans Drive de Nicolas Winding Refn (Drive sur Wikipédia — Nouvelle fenêtre).
Certaines critiques la compare au personnage d'Harley Quinn interpreté récemment au cinéma par Margot Robbie, c'est particulièrement vrai dans la scène qui précède son meurtre, lorsqu'elle s'apprête à entrer dans le manoir où a lieu l'enterrement de vie de garçon d'un dénommé Al Monroe (le futur séquestré, agresseur de Nina, mais aussi futur assassin de Cassie), une scène encore fabuleuse où on la voit évoluer de façon très déterminée sur une reprise grinçante au violon du titre populaire Toxic de Britney Spears. C'est aussi l'histoire d'une comédienne qui joue une comédienne. Ça parle de « faire pour soi », « par soi-même », et en cela le film a un caractère initiatique. Il enseigne le fait de prioriser les amitiés féminines (les amitiés aux romances, aux relations romantiques souvent empruntes de dominations, ce sont d'autres amours, d'autres formes d'aimer). De prioriser la « cause » aux préocupations personnelles, individuelles. De garder sa posture féministe malgré le fait qu'elle nous dessert par moment. Il montre l'omniprésence des masculinités toxiques (aussi lourdes, jusqu'à violentes, et présentes, dans la fiction que dans la réalité). C'est positif qu'il est désormais possible de faire des films grands publics dans ce registre-répertoire là (un féminisme corrosif assumé, dans une posture de revendication, jusqu'au bout du film, sans que le propos soit lissé, atténué, adouci). C'est un film qui ne s'excuse pas de ce qu'il avance. On échappe par exemple à l'issue facile, et dans laquelle on pense tomber à un moment mais c'est volontaire, prévu, stratégique, du #NotAllMen. Cassie noue une relation avec un certain Ryan, et c'est au pic de l'idylle qu'elle découvre son implication dans un viol public, public puisque des étudiants et étudiantes ont assisté à la scène et l'on partagé sur des réseaux privés pour « rire ». Cassie déchante et se réaffaire à la mise en œuvre de son plan en cinq actes destiné à rendre justice à sa chère et aujourd'hui défunte amie Nina, abusée lors d'une soirée étudiante où elle était dévastée par l'alcool, jettant au visage comme de l'acide les violences que la doyenne de la faculté de médecine comme les amis et petites amies des agresseurs-complices ont minimisé voire invisibilisé. Ces événements traumatiques vécus à l'université donne l'occasion de déconstruire, entre autres, tous les points de vue excusant dans les cas d'agressions sexuelles les agresseureuses et incriminant les victimes lors de la consommation d'alcool.
Des scènes grandioses :
La scène d'ouverture, convie un groupe d'hommes cis dans un bar dansant, d'apparence, ils semblent célébrer en séminaire. L'intelligence de la réalisatrice est visible dès les premières minutes ; les corps des hommes sont totalement objectifiés par la caméra, les cadrage passent de fesses aux torses moites, et propose une entrée en matière très subversive. Même si l'ambiance de masculinité toxique refait surface assez vite et est en fond dans tout le film, cette scène participe à ce que le film incarne, en quelques sortes, une gifle (sinon un coup de cutter) assenée aux boys clubs. La scène qui suit la première nuit « en mission » de Cassie de laquelle nous sommes témoins, mais dont nous ignorons tout de l'issue de la soirée. À part qu'elle a dupé un type (interprété par Adam Brody), se faisant passer pour un gentleman (les meilleurs en générale…) et qui s'apprêtait à la toucher contre son gré, en simulant un état d'ébriété avancé empêchant toute forme de résistance avant de lui balancer tout net, une fois qu'il s'est montré trop entreprenant et après toutes les chances de faire marche arrière que la Cassie soi-disant inconsciente lui a laissée, “I said no”. Mais la scène géniale, brillante, vient juste après : sur fond d'une reprise de It's Raining Men, Cassie rentre chez elle au lever du jour, ses talons dans une main et un hot-dog dégoulinant de ketchup dans l'autre. Bien sûr, on ne pense au ketchup qu'une fois que le plan de la caméra atteint son buste et nous permettent d'observer qu'elle mange un sandwich en marchant. Le travelling de pied à portrait transforme le supposé sang que l'on devine le long de sa jambe en ketchup. Elle se traîne ainsi nonchalament chez elle au petit matin et croise la route d'ouvriers de chantiers en poste tôt. Elle ne manque pas de se faire alpaguer, interpeller, par les hommes qui l'interrogent sur la nuit prétenduemment torride qu'elle aurait passée, ce qu'ils supposent à sa dégaine jugée inconforme avec le puritanisme patriarcal. Elle reste de marbre sur le trottoir et les fixe, sans un mot, stoïque, terrifiante. Comme pour s'affirmer sur leur « territoire », la rue (or on sait que dans la rue les corps des femmes ne leur appartiennent plus). Elle semble jubiler intérieurement (et c'est délicieux à observer). Les hommes se sentent assez rapidemment menacés, mal à l'aise, et finissent par faire du propos abusif à caractère sexuel un flot d'injures, cherchant à dissimuler leur inconfort voire leur frayeur.
Le film m'a un peu fait l'effet d'un Virgin Suicide (Virgin Suicide sur Wikipédia — Nouvelle fenêtre), auquel on a reproché un côté non fini, très jeté, mais qui m'a personnellement touché, tout comme Lost in Translation (Lost in Translation sur Wikipédia — Nouvelle fenêtre). Le cinéma de Sophia Coppola (réalisatrice des deux films cités à l'instant respectivement en 1999 et en 2003) m'a parlé et j'aime toujours à le recontextualiser dans une époque où j'étais beaucoup moins éveillée, plus ignorante, et où je ne mesurais pas tout ce qui se jouait à travers la représentation et les imaginaires, ces films sont évidemment aussi emprunts de modèles de dominations, de schémas, de stéréotypes de genre, mais ils expriment aussi une voix encore trop silenciée pour la réprimer sans doute. PYW a un côté mauvais goût, superficiel, mais à mon sens, c'est pour notre plus grand plaisir, on ne voudrait pas qu'il soit autre chose. C'est ce que j'ai aimé dans ce film comme dans ceux de Sophia Coppola. Il y a une voix, et une couleur de cinéma. Très acidulée, légère, qui allège le sérieux des sujets sans les desservir ou les minoriser. Il y a une certaine radicalité dans le fait d'aller au bout du film, en l'ocurrence PYW et VS se soldent tous deux par la mort de l'héroïne, en font des héroïnes tragiques, difficile d'aller plus loin. Le film ne s'excuse pas d'exister et c'est ce qui est intéressant. Il n'est pas là pour être subtil, ou poli, ronronnant. Il s'autorise la vulgarité, la spontanéité, la grossiéreté, la violence, la maladresse, l'erreur. Il se prend le droit de parler fort, de faire du bruit, de ne pas demander la permission pour parler d'un sujet. Le film démoli aussi l'image de l'hystérique et redonne accès à la colère, une colère féminine et raisonnée, une colère stratège. La manipulation appartient aussi aux pratiques de Cassie. Dans un monde où les dés sont pipés, il n'y a plus de règles. Ou plutôt la règle serait « Tous les coups sont permis ». Le film invite aussi à une certaine liberté d'agir, de penser, de se mouvoir, de jouer un rôle, des rôles, d'être ce qu'on veut, de se réinventer, de se créer et se recréer.
Ce dimanche nous avons animé un atelier Dazzle en mixité choisie sans homme cis avec Daria dans le cadre de la Pride off (Pride Off sur radar.squat.net — Nouvelle fenêtre). C'est le premier événement impulsé par Hacqueen, un collectif cyberféministe naissant. Le dazzle est une technique de maquillage « camouflage » développée pour tromper les technologies de surveillance et de reconnaissance faciale. L'idée était de tester et d'apprendre ensemble à protéger nos visages des algorithmes biométriques.
À l'origine, le dazzle est l’appellation donnée à un motif de camouflage disruptif utilisé sur les navires pendant la Première Guerre Mondiale (du terme américain Razzle Dazzle). Il est caractérisé par l'enchevêtrement de lignes aux couleurs contrastées. Cette technique est aujourd'hui détournée et réemployée en réponse à la surveillance de masse sous le nom de CV Dazzle pour Computer Vision Dazzle. Sa pratique consiste à maquiller des zones du visage de façon à en casser la symétrie pour déjouer les technologies de détection faciale. Le dazzle peut aussi faire intervenir les cheveux et les vêtements. Il permet également de contourner le cadre légal qui défend le port de (certains…) masques ou de déguisements lors de manifestations, puisque le maquillage ne peut, a priori, pas être perçu comme un accessoire du corps. On parle aussi de maquillage anti-face.
Le site https://cvdazzle.com/ — Nouvelle fenêtre de l'artiste Adam Harvey (DE-US) références pas mal de pratiques, d'outils et de revues de presse, notamment une interface de test. On trouve d'autres motifs préconisés pour le maquillage sur la page de How to Hide from Machines — Nouvelle fenêtre, en lien sur le site de Adam Harvey. La make up artist militante Martayla Poellinitz (US), connue sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme @martymoment, propose beaucoup de contenus à des fins de dazzle. Elle a vu les médias s'emparer de son travail lors des mobilisations autour du mouvement #BlackLivesMatter aux États-Unis, à l'été 2020. Elle adresse des tutoriels vidéo aux personnes militantes afin d'éviter leur identification lors des manifestations, ce qui n'a évidemment pas manqué au cours des émeutes qui ont suivi l'assassinat de Georges Floyd… De nombreuses personnes noires se sont exposées à un violent backlash de l'appareil policier américain. D'autres groupes d'actions ont investit la pratique du dazzle comme le Dazzle Club (EN) qui organise régulièrement des marches à Londres et dans d'autres villes anglaises.
Pendant l'atelier, peu parmis nous on réussit à duper leur appareils photo ou algo Instagram. Quasiment 9 fois sur 10, la détection faciale a fonctionné. A priori une personne qui auraient ruser en se dessinant des yeux ailleurs qu'à l'emplacement attendu/habituel et qui aurait ainsi induit la machine en erreur y serait parvenue, lui faisant voir des visages là où il n'y en avait pas. Semblablement à l'algorithme DeepDream de Google (DeepDream sur Wikipédia — Nouvelle fenêtre. Nous avons pensé à constituer un catalogue de patterns efficients pour déjouer la détection des visages, afin de documenter la pratique. En attendant, voici un pad sur lequel consulter les ressources que nous avons jugées pertinentes : pad de ressources sur le dazzle — Nouvelle fenêtre.
J'ai commencé il y a environ un an, un peu par hasard et beaucoup par nostalgie, à revisionner la saison 1 de l'anime Sailor Moon (Naoko Takeuchi, 1992). Assez rapidemment m'est apparue l'envie d'écrire un texte, mêlant divers objectifs et pour lequel je peinais à trouver un axe faisant coexister toutes les problématiques qui m'animaient, le lien évident ne se faisait pas. J'ai d'abord posé quelques lignes, confrontant des héroïnes de fiction, invoquant l'histoire du genre magical girls, introduisant des postulats cyberféministes timides, mais sans savoir vraiment où j'allais. J'ai laissé mûrir tout ça un semestre et puis j'y suis revenue, avec une idée beaucoup plus déterminée et, à mon sens, assez forte pour pouvoir porter ce texte. Naît alors le texte évolutif Body recoding : de l’injonction au réenchantement des corps sexisés. Corps, Style, Mouvement. C'est un texte pour lequel je m'autorise un temps d'écriture assez long, et depuis lequel j'extrais des fragments que je publie au fur et à mesure sur un répertoire Nextcloud — Nouvelle fenêtre dédié, accessible depuis la partie « Textes » des publications de ce blog. Ma trame s'appuie sur la transformation en Sailor Moon du personnage principal de la série animée, Usagi Tsukino, dont le corps est fétichisé au possible mais qui sert, dans ce texte, avant tout à affirmer la puissance des corps sexisés et leur résistance au modelage patriarcal, capitaliste, et colonial. Cette subversion s'opère notamment à travers des exemples d'actions militantes ou de gestes artistiques qui relayent largement le discours. Le répertoire qui accueille déjà les premières pages sera, pourquoi pas, à terme, agrémenté d'une cybercabane mettant le texte en scène sur une page web, mais c'est une déclaration très anticipée puisqu'il me faut d'abord en finir l'écriture !