Néanmoins la situation des personnes à la rue ne s'est pas améliorée, voir, à l'inverse, si elle ne s'est pas empirée car de plus en plus de personnes dorment dehors, par exemple place de l'Étoile en face du siège de l'Eurométropole, où s'opèrent par ailleurs régulièrement des expulsions (orchestrées par la préfecture quand bien même il n'y a pas d'option de relogement) sans accompagnement ou des regroupements, en gymnases ou CAPR (celui de Bouxwiller par exemple). D'autres squats, pas tous mais presque, subissent le même sort, il n'y a pas du tout assez de place pour que tout le monde ait un toit sur la tête, et c'est un plan B pour les personnes laissées pour compte qui ne peut pas forcément garantir un hébergement digne.
Mais sans doute que Strasbourg ne prend qu'exemple sur le reste du pays : on expulse coûte que coûte, sans prévoir de solution pour l'accueil, le logement ou l'apprentissage de la langue (le cas de la France est très préoccupant, quand on sait qu'en Espagne ou au Royaume-Uni par exemple, on procure un logement aux personnes réfugiées qui arrivent sur le territoire). En France encore on instaure une inégalité de traitement, il n'y qu'à voir comment sont reçues les personnes réfugiées d'Ukraine (hébergement, cours de français, travail) et celles d'ailleurs, en l'occurrence, de régions extra-européennes, qui ne profitent pas du même accueil. Et depuis le démentèlement de la "jungle" de Calais en 2015, les "points de fixation" (sanitaires, coin cuisine, etc.) sont interdits, ainsi, quand l'association Calais Food Collective installe un réservoir d'eau potable sur un parking qui sert déjà à la distribution de nourriture, la police escortée du maire le retire… C'est lamentable et inhumain. On vole l'eau des personnes sans-abri maintenant. La guerre de l'eau est donc déclarée, à l'image du Convoi de l'eau initié par la Confédération paysanne et Les soulèvements de la terre en août 2023, de Sainte-Soline à Paris.
Ces actions semblent de rigueur, quand on s'attend à devoir faire avec les migrations climatiques en plus des autres motifs, et qui arrivent bien plus vite que "prévues" (elles ont déjà lieu), et de bien plus près qu'on ne croît (non pas qu'elles soient plus légitimes si européennes évidemment mais on pense souvent ne pas être concerné⸱e en tant que ressortissant⸱e européen⸱ne), le sud de l'Europe, la méditerrannée (Espagne, Grèce, Italie par exemple), voire même le sud de la France, ces régions seront-elles vivables pour les plus fragiles d'ici quelques années, avec 4 degrés supplémentaires en moyenne, sachant qu'on est déjà à 48°C dans certaines zones ? Rentrée 2023 : 2000 enfants sont sans hébergement, clap clap…
J'ai animé un atelier Cybercabanes avec Ada à la Maison des Potes (150, avenue de Colmar) à Strasbourg ce dimanche après-midi. Dans le cadre du LaDIY Fest #2 — Nouvelle fenêtre, organisé par le collectif Deuxième Jet, nous avons accueillis quatre participantes pour bricoler une page web ensemble. Il s'agissait essentiellement d'une initiation au HTML et au CSS (les langages descriptifs de bases, qui gèrent la structure et le style de la page), avec une ouverture sur la mise en ligne et la gestion de contenus denses avec les CMS.
Comme cet atelier se veut sensible, nous avons choisi de l'introduire en insistant sur le caractère personnel et intime que peut prendre la cabane, ici métaphore de la page web. Il y a une culture politique du journal intime (dire que l'intime est politique est largement défendu par le féminisme), une idée de la « Chambre à Soi » (terme emprunté à Virginia Woolf qui titre ainsi l'un de ses romans phares), comme si ces espaces étaient nécessaires à l'épanouissement personnel dans une société trop dure et sourde aux problèmes des personnes sexisées, minorisées, invisibilisées. Existant souvent au travers de l'écriture, cet espace prend une autre dimension dès lors qu'il est mis en ligne, on choisit alors de rendre cette intimité accessible, publique, mais notre voix n'est jamais couverte par celle d'un⸱e autre, elle reste audible, on ne se tait pas. J'ai trouvé cette conception de la page web très intéressante. Et l'image de la cabane très pertinente également, « une cabane est souvent composée au moins d'un sol, de murs et d'un toit » : le header, body et footer du site web, on peut relier sa cabane à internet, c'est-à-dire ouvrir son jardin à d'autres, etc.
De cet abri me vient l'envie, à moi aussi, de faire des cabanes, de construire une petite collection de pages, comme des refuges, avec un sujet propre, une expérimentation graphique, une image, un son. J'avais déjà dans l'idée de créer une série de pages web libres, indépendantes, qui mettent en scène et attire l'attention sur un contenu en particulier, différent à chaque fois. Je dois lire Nos Cabanes de Marielle Macé (Éditions Verdier, 2019) m'a-t-on dit. Je vais le faire. C'est une claque il paraît. Tout ça m'évoque aussi un Mona Chollet, une couverture, voir la première image ci-dessus. Il faut que je le relise. Cabanes japonaises, art de vivre sa proximité avec la Nature, moments d'évasion, retraite spirituelle et méditation, réappropriation de l'espace public, le mauvais genre du⸱de la casanier⸱ère, mais aussi le⸱a casanier⸱ère voyageur⸱euse, le prix du logement, le mythe de la Fée du Logis, et j'en passe. Ce livre est richissimes de concepts et de questions.
Filature du papillon avec lampe torche, balais et smartphone pour capter ses derniers instants dans l'appartement avant qu'il prenne son envol par la fenêtre.
Je vous présente le spécimen d'« Écaille chinée » ou Callimorphe (Euplagia quadripunctaria sur Wikipédia — Nouvelle fenêtre) qui s'est introduit dans ma valise lors de mon séjour en Grèce qui s'est achevé ce dimanche 21 juillet. Impatiente de déliver les souvenirs que j'avais ramené de ce voyage, j'avais ouvert mes bagages dès mon arrivée. Ce n'est que le soir au coucher que j'ai aperçu ce papillon posé sur un miroir — la fenêtre de ma chambre était encore grande ouverte, mais il ne s'était pas échappé. Il a dû apprécier la présence de ses confrères de papier, ma colocataire s'adonnant beaucoup à la pratique de l'origami, et notamment au pliage de papillons. Sans doute a-t-il du sentir aussi le parfum des mots du Phalènes de G. Didi-Hubermann qui trône sur ma bibliothèque.
Je me suis souvenue alors avoir lu une description de ce lépidoptère dans le guide du Routard portant sur la Grèce et l'Attique, dans lequel on insistait sur le caractère rouge et vif de ses ailes du dessous, perceptible à son envol uniquement. Nous avons séjourné 2 jours sur l'île de Paros, troisième Cyclade de par sa taille, sur laquelle se trouve la vallée des Papillons, un site connu pour la présence de Callimorphe, friands de la sève sécrétée par les arbres environnants. Comme ils semblaient ne pouvoir être vus que la nuit, et que le site ferme le soir venu, nous avions abandonné l'idée de s'y rendre, d'autant plus qu'il fallait marcher 10km vers le sud de Parikia (chef lieu de l'île) pour l'atteindre.
Ce papillon m'a néanmoins suivie, il est a supposé qu'une chenille s'est égarée dans mes affaires et qu'elle a évolué pendant le trajet, jusqu'à devenir ce magnifique adulte. Description du site Wikipédia :
« L'imago présente une forme triangulaire au repos, ses ailes antérieures cachant les postérieures. Les ailes antérieures sont noires, zébrées de bandes blanches obliques. Au repos, elles recouvrent les ailes postérieures d'une vive couleur orange à rouge, avec des taches noires irrégulières, difficiles à percevoir en vol ».
C'était tout à fait ça. Charmant petit animal plein de secrets.